𝗖𝗲 𝘀𝗮𝘂𝘁 𝗮 𝗳𝗮𝗶𝘁 𝗽𝗹𝗲𝘂𝗿𝗲𝗿 𝗺𝗮 𝗺𝗲̀𝗿𝗲.
J’avais 31 ans, déjà 13 ans de parachutisme, et plus de 5000 sauts.
L’envie de faire du BASE jump me trottait dans la tête depuis de nombreuses année.
L’occasion s’est présentée en 2013. Mon compagnon de l’époque était un BASE jumper talentueux et expérimenté. Je l’admirais et lui faisais confiance. Un joli matin d’août, je décide que le moment est venu.
Quatre heures de marche pour arriver jusqu’à l’exit, avec lui et l’une de mes coéquipières norvégiennes.
Au bord de cette falaise, en contemplant ce fjord sublime, j’ai peur, mais je suis confiante. Je sais que je peux le faire.
“3, 2, 1, BASE !”, comme il est coutume de déclamer avant un saut.
Une dizaine de secondes de chute en dérive, que je maîtrise parfaitement, une ouverture légèrement désaxée mais suffisamment éloignée de la paroi pour que ce ne soit pas un problème, un atterrissage en douceur, et l’une des plus puissantes explosions de joie jamais ressentie.
Toute la journée, je suis extatique.
Pourtant, je ne ferai que six sauts de BASE jump au total, avant de décider d’arrêter définitivement.
Pourquoi ?
Parce qu’il n’y a que deux façons d’interrompre une carrière de BASE jump : décider d’arrêter, ou mourir.
Ma mère, qui a toujours soutenu ma carrière en parachutisme, m’avait toujours “interdit” de faire du BASE jump. J’avais fait ce premier saut sans lui dire, pour ne pas l’inquiéter. Mais j’ai décidé, après coup, de lui montrer les images, pour ne pas lui mentir, et tenter de la rassurer.
À peine l’écran ouvert, avant même que j’aie le temps d’appuyer sur “play”, elle a fondu en larmes.
J’ai refermé l’écran.
Et peu de temps après, alors que le deuil de trop me faisait prendre conscience que je refusais de faire vivre à ceux qui m’aiment ce que je traversais à ce moment là, je décide d’arrêter.
Oui, ces six sauts ont été incroyables d’intensité, d’émotions, de beauté. Oui, l’environnement est magnifique, exige un effort physique, et ne consomme aucune ressource.
Mais pour moi le jeu n’en vaut pas la chandelle. La mort rôde extrêmement fréquemment dans cet univers.
Et j’aime trop la vie pour que ce genre de risque soit acceptable.
Ma mère avait raison : je n’aurais pas dû prendre ce risque-là. Il n’en valait pas la peine.
Et c’est là tout l’enjeu de la prise de risque : analyser honnêtement la situation, réfléchir à ce que l’on a à gagner, à ce que l’on a à perdre, et décider, en toute conscience, de là où l’on place le curseur.
𝗘𝘁 𝘃𝗼𝘂𝘀, 𝗼𝘂̀ 𝗽𝗹𝗮𝗰𝗲𝘇-𝘃𝗼𝘂𝘀 𝘃𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗰𝘂𝗿𝘀𝗲𝘂𝗿 ?